Avec sa calvitie précoce et son plumage sombre l’Ibis chauve (Geronticus eremita) n’est sans doute pas le plus bel oiseau de la terre. Mais avec une population sauvage de 116 couples (en 2015) c’est certainement l’un des plus rares ! C’est la raison pour laquelle l’Espagne et les parcs animaliers  européens se mobilisent pour sauver cette espèce de l’extinction. La Réserve Africaine de Sigean a récemment contribué à ce projet en fournissant 15 Ibis chauves qu’elle a élevé ces trois dernières années. Une petite équipe de la Réserve Africaine, composée de Frédéric Barreda, responsable du secteur oiseaux et d’Antoine Joris, vétérinaire, les a emmenés en Andalousie le 14 octobre dernier.

Nom de code “CB”, un des Ibis chauves nés a la Réserve Africaine de Sigean et photographié à Jerez de la Frontera en Andalousie.

L’Ibis chauve vivait autrefois sur tout le pourtour méditerranéen. Cet échassier insectivore des steppes arides nichait en petites colonies installées dans les falaises littorales ou dans les vallées encaissées. Ces colonies ont disparu les unes après les autres et il n’en reste aujourd’hui plus que 4, toutes installées sur la côte atlantique marocaine. Une cinquième colonie semi-captive d’une centaine d’oiseaux existe en Turquie. Enfin une sixième colonie a été découverte en 2002 en Syrie sur le site de Palmyre mais elle est à présent éteinte, notamment à cause des dramatiques évènements qui s’y sont déroulés dernièrement. Les raisons du déclin de l’Ibis chauve sont multiples, avec en tête la conversion de pâturages extensifs en cultures céréalières ou maraîchères, l’utilisation intensive de pesticides par l’agriculture conventionnelle, l’urbanisation des sites de nidification et enfin le braconnage sur les zones d’hivernage ou le trajet migratoire.

En captivité par contre cette espèce se porte bien puisqu’on estime qu’il y en a plus de 1200 dans les volières des différents parcs animaliers européens. Il était donc naturel que des actions de réintroduction voient le jour et c’est dans ce contexte qu’est né le « Proyecto Eremita » !

Miguel Quevedo (à gauche), vétérinaire du zoo de Jerez de la Frontera, examine les ibis un par un. Ils sont bagués, sexés et soumis à un batterie de tests sanitaires avant d’être lâchés.

Proyecto Eremita 

Le zoo de Jerez de la Frontera, avec l’appui du gouvernement espagnol et d’un comité européen d’experts, a développé un programme de réintroduction de l’Ibis chauve dans le comté de la Janda, dans l’extrême sud de l’Espagne. Il y avait disparu depuis plus de 400 ans ! Les sites retenus pour le projet répondent aux besoins physiologiques de cet oiseau et sont semblables aux  biotopes retrouvés sur le littoral atlantique marocain, où vivent les derniers Ibis chauves sauvages. Bien que ces sites soient relativement préservés des menaces et des risques habituels que rencontrent l’espèce, en particulier le braconnage, les oiseaux relâchés restent malgré tout sous la surveillance constante d’une équipe espagnole. De très nombreuses actions de sensibilisation auprès des populations locales ont été menées avant de procéder aux lâchers d’oiseaux nés en captivité et le projet a été adopté avec enthousiasme par les andalous. Aujourd’hui l’Andalousie héberge une centaine d’Ibis chauves, la plupart issus de réintroduction mais déjà certains sont nés en milieu naturel ! Les lâchers d’ibis nés en captivité ont lieu en janvier, après quelques mois passés en volière d’acclimatation. Ils prendront fin en Andalousie dès que les effectifs de l’espèce y seront stables ou en augmentation. D’autres projets de réintroduction sont en cours ou à l’étude, notamment en Autriche, en Italie et en Algérie.

Frédéric Barreda, responsable des oiseaux à la Réserve Africaine de Sigean relâche un de “ses” Ibis chauves dans la volière d’acclimatation, sous l’œil attentif de Salvador, El guardián de los ibis.